La brève juridique
n°16 - 12/2018
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En cette période de fêtes de fin d'année le législateur
a su faire preuve de générosité à l'égard des acteurs de la commande
publique.
Retour d'abord du jeu des chiffres et des lettres avec la parution
tant attendue du code de la commande publique : présentation.
Et puis, faute de rennes, c'est l'ELAN qui a été choisi pour amender
diverses dispositions éparses du droit de la commande publique :
décryptage.
• Des chiffres et des lettres : le code de la commande
publique est paru
• Bouillon de culture : dernière prise d'ELAN pour un
saut dans une relative simplification
Des chiffres et des lettres : le code de la commande
publique est paru
Seulement 5 jours au calendrier de l'avent
auront suffi pour découvrir avec plus ou moins de surprise le
Code de la commande publique.
C'est donc ce mercredi 5 décembre que le JORF rend public le
"saint graal" tant attendu par les acteurs de la commande
publique regroupant en un Code unique l'ensemble des règles
relatives aux contrats de la commande publique.
Aussi, dans un premier temps nous vous proposons d'appréhender
ce changement par une analyse moins didactique que
structurelle, tel un inventaire à la Prévert.
Ainsi, les deux textes officiels publiés ce jour, soit
l'Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie
législative et le Décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018
portant partie réglementaire ont pour objet principal de
compiler le document unique du Code de la Commande publique
comprenant pas moins de 1747 articles.
Celui-ci se structure donc en 4 parties, la partie législative
et la partie réglementaire se faisant écho en terme de
correspondance de la table des matières.
Le titre préliminaire est consacré aux principes communs de la
commande publique à savoir l’égalité de traitement des
candidats, la liberté d'accès et la transparence des
procédures.
La première partie se divise en 3 livres comprenant :
- La définition de chaque catégorie de contrats de la commande
publique (livre I)
- Les différents acteurs de la commande publique (livre II)
- La définition des contrats mixtes (livre III)
- Les dispositions relatives à l’Outre-Mer (livre IV)
La seconde partie, dédiée aux marchés publics, comprend quant
à elle 6 livres :
- Les dispositions générales relatives aux marchés publics
présentées selon un déroulement chronologique propre à leur
préparation, passation et exécution (livre I)
Elles reprennent ainsi les dispositions de l'ordonnance n°
2015-899 du 23 juillet 2015 et des textes épars concernant
l'exécution desdits marchés, tel que la loi n° 75-1334 du 31
décembre 1975 relative à la sous-traitance. Des règles issues
de la jurisprudence, relatives à la résiliation et à la
modification des contrats administratifs, ont également été
intégrés à cette occasion.
- Les marchés de partenariat (livre II)
- Les marchés de défense ou de sécurité (livre III
- Les dispositions applicables à la maitrise d'ouvrage
publique et à ses rapports avec la maitrise d'œuvre privée,
issues de la loi 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la
maîtrise d'ouvrage publique (livre IV)
- Les dispositions applicables aux marchés soumis à un régime
juridique particulier, qui échappaient, en raison de leur
objet ou de la nature des contractants, au champ d'application
de l'ordonnance n° 2015-899 (livre V)
- Les adaptations des dispositions de cette partie aux
collectivités et territoires d'outre-mer (livre VI)
La troisième partie concerne les contrats de concession et
comprend trois livres précisant :
- L'ensemble des dispositions régissant la préparation, la
passation et l'exécution de ces contrats, soit une
codification pour l'essentiel des dispositions de l'ordonnance
n° 2016-65 relatifs aux contrats de concession (livre I)
- Les dispositions applicables aux contrats de concession
soumis à un régime juridique particulier (livre II)
- Une adaptation des dispositions de cette partie aux
collectivités et territoires d'outre-mer (livre III)
Ceci étant dit, rien ne sert de courir, il faut partir à
point… puisque l'ensemble de ces dispositions sont de droit
constant et ne trouvent à s'appliquer qu'à compter du 1er
avril 2019 afin de permettre aux acheteurs, aux autorités
concédantes et aux opérateurs économiques de "s'approprier
dans les meilleures conditions le nouvel outil que constitue
le code de la commande publique".
Code de la commande publique, disponible sur Legifrance
Bouillon de culture : dernière prise d'ELAN pour un saut dans une relative simplification
Dernier brame pour la loi ELAN qui vient d'être
publiée au journal officiel.
Au menu, modifications de divers textes officiels relatifs à
la commande publique, pour le meilleur, et pour le pire…
Relative clarification des règles d'intervention de la
commission d'appel d'offres pour les collectivités
Mesure tant réclamée par les acheteurs : la reformulation de
l'article L. 1414-2 du CGCT est enfin arrivée.
L'ancienne formulation du CGCT était sujette à
interprétation quant au périmètre d'intervention de la
Souvenez-vous, ce texte auquel renvoi l'article 101 de
l'ordonnance du 23 juillet 2015, explicite les règles de
saisine obligatoire de la CAO pour le choix de l'attributaire.
Initialement, le texte disposait que la CAO devait être saisie
"pour tous les marchés publics dont
la valeur estimée HT
est égale ou supérieure aux seuils européens (…)".
L'ambigüité portait donc sur le fait de savoir :
- s'il fallait avoir une lecture littérale du texte, en
considérant uniquement le montant du marché en faisant fi du
type de procédure ;
- ou s'il fallait l'interpréter comme imposant la réunion de
la CAO uniquement pour les procédures formalisées.
Cette situation n'était pas sans poser de problèmes, notamment
pour les marchés qui dépassaient ce montant, mais qui
n'étaient pas pour autant passés en procédure formalisée.
Pensons notamment aux concours restreints de maîtrise d'œuvre,
mais également aux services sociaux et autres services
spécifiques.
La DAJ avait pris position sur la question en interprétant
le texte comme ayant "pour objet de circonscrire le champ
d'intervention de la commission d'appel d'offres aux seuls
marchés publics passés en application desdites procédures
formalisées" .
Elle en déduisait donc que seuls les marchés passés en
application d'une des procédures formalisées devaient
obligatoirement être attribués en commission .
La nouvelle formulation du texte lève cette ambiguïté
Le texte fait à présent explicitement mention aux
"marchés
passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée
[…] est égale ou supérieure aux seuils européens" .
Le texte consacre donc la vision de la DAJ et lie désormais
l'intervention de la CAO aux procédures formalisées.
Il en fait pour autant naître une nouvelle ambigüité,
encore plus déstabilisante…
En effet, le nouvel article L. 1414-2 fait mention des marchés
"dont la valeur estimée hors taxe
prise individuellement
est égale ou supérieure aux seuils européens".
Le débat fait donc rage car certains observateurs lisent dans
cette formulation le fait que le montant doit s'estimer
lot
par lot et non plus globalement comme cela était auparavant
le cas.
Adopter ce point de vue mène nécessairement à la conclusion
selon laquelle la commission d'appel d'offres perd
considérablement en capacité d'intervention.
Nous ne partageons pas ce point de vue.
Pour l'expliquer, il va falloir se plonger dans une source du
droit, trop souvent et à tort négligée : les travaux
préparatoires de la loi .
En effet, quoi de mieux pour cerner l'intention du législateur
que de consulter les débats qui ont mené à l'adoption du texte
final?
-
Le rapport de l'assemblée nationale
nous aide dans
un premier temps à cerner l'intention du législateur puisqu'il
est fait état des deux interprétations possibles du texte .
L'Assemblée tranche ensuite en exposant que c'est
l'interprétation liant intervention de la CAO à la procédure
formalisée qui doit prévaloir .
-
Le rapport du Sénat quant à lui
va plus loin dans le
raisonnement en citant un jugement du TA de Nantes qui remet
en cause l'interprétation du texte proposé par la DAJ et
repris à son compte par l'Assemblée.
C'est dans cet optique qu'a donc été déposé et adopté
l'amendement proposant la reformulation du texte initial .
Nous regrettons toutefois le manque de clarté de l'explication
jointe à la proposition d'amendement qui, loin de lever toute
ambigüité, ne fait que renforcer les interrogations sur cette
question .
Elle se conclut d'ailleurs de manière assez ironique par la
formule : "Ainsi, les collectivités seront sécurisées
juridiquement quant à l’appréciation de ce passage."
Malgré ce, restera le fait que les débats autour de la
formulation du texte portent uniquement sur la clarification
des dispositions existantes, et non une véritable révolution
quant au champ d'intervention de la CAO.
Nous estimons donc dans ces conditions que le texte consacre
la saisine obligatoire de la CAO uniquement pour les
procédures formalisées, et que cette appréciation se fait par
procédure, et non par lot/marché.
Harmonisation des règles de composition et de
fonctionnement de la CAO pour les bailleurs sociaux
Du nouveau également du côté des offices publics de l'habitat
(OPH), qui voient le régime de leur commission d'appel
d'offres aligné sur celui des offices privés d'habitations à
loyer modéré (OPHLM).
Ainsi, la loi ELAN modifie le CGCT qui dispose que :
- Les OPH appliquent désormais l'article R. 433-6 du code de
la construction et de l'habitation
pour la constitution
de leur CAO.
- Les dispositions de l'article R. 433-2 du même code ne
s'appliquent plus pour les marchés lancés à compter de la
publication de la loi ELAN
- La
CAO est désormais composée librement, de même que les
modalités de son fonctionnement.
-
La CAO doit examiner les candidatures et les offres
lorsque le montant du marché est supérieur au seuil de
procédure formalisée.
L'insertion de cette disposition fait écho à une précédente
tentative infructueuse de rapprocher ces deux régimes.
Le précédent décret pris en Conseil d'Etat ne pouvait
accomplir cette action sans quoi il serait entré en
contradiction avec l'article R. 433-2 du CCH (qui fixe de
manière précise la composition et le rôle des CAO des OPH).
L'adoption de la loi permet donc de surmonter cette difficulté
de hiérarchie des normes.
Dispense d'application de la loi MOP pour les marchés de
maîtrise d'œuvre passés par les bailleurs sociaux et les SEM
Mesure très discutée par l'ordre des architectes, la loi ELAN
dispense désormais les OPH, les SA d'HLM, et les SEM
d'appliquer les dispositions du titre II de la loi MOP.
Pour mémoire, ce titre définit les règles applicables aux
marchés de maîtrise d'œuvre. Il sera donc notamment possible
pour ces organismes de rompre avec le caractère "insécable"
des missions de maîtrise d'œuvre.
Cette possibilité de réaliser une "maîtrise d'œuvre à la
carte" a été justifiée par le niveau d'expertise de ces
organismes en la matière, lequel était freiné par les
dispositions jugées trop contraignantes de la loi MOP et ses
décrets d'application.
A noter que cette disposition a d'ores et déjà été codifiée au
code de la commande publique, à l'article L. 2430-2.
Disparition de l'obligation de recourir au concours
d'architecture pour les bailleurs sociaux
Après nombre de débat houleux en la matière, la loi ELAN vient
modifier la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et
dispense les bailleurs sociaux de concours d'architecture pour
les bâtiments en construction neuve.
Les bailleurs sont entendus au sens large avec notamment les
OPH, les SA d'HLM, et les autres organismes cités à l'article
L.411-2 du code de la construction et de l'habitation.
Facilitation du recours aux marchés de
conception-réalisation
Cette dernière faculté concerne les organismes HLM et les SEM,
qui pourront recourir à ce type de marché sans avoir à
justifier des motifs techniques, ou d'efficacité énergétique .
Les CROUS pourront quant à eux user de cette même faculté
jusqu'au 31 décembre 2021.
Par ailleurs, la loi ELAN consacre un nouveau cas d'ouverture
aux marchés de conception réalisation, pour les constructions
d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en
vigueur.
Enfin, le dernier assouplissement concerne les marchés portant
sur l'établissement d'infrastructures et de réseaux de
communications électroniques.
Il sera dans ce cas possible de confier à un même opérateur
des missions de conception, construction, maintenance et
exploitation. Cette faculté est offerte jusqu'au 31 décembre
2022 .
Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du
logement, de l'aménagement et du numérique
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