La brève juridique
n°13 - 17/05/2018
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Face à une offre non conforme, il n’est pas toujours aisé
de savoir comment réagir en tant qu’acheteur. L’enfer étant
pavé de bonnes intentions, le choix de régulariser ou non doit être
étudié avec prudence.
Une revue de la jurisprudence récente permet de faire un point sur le
comportement à adopter dans cette situation.
Dans le cas où l’acheteur choisit de laisser la possibilité
à un candidat de régulariser son offre il doit impérativement
respecter le principe d’égalité de traitement entre les
candidats. Pour cela il doit laisser, dans les mêmes conditions, la possibilité
de régulariser à tous les candidats dont l’offre est irrégulière
(1).
L’acheteur peut, au contraire, choisir de prévoir dans le règlement
de consultation que les offres irrégulières seront écartées
d’office, sans possibilité de régulariser. En effet l’invitation
à régulariser n’étant qu’une simple faculté,
rien ne s’oppose à ce que l’acheteur y renonce (2).
Enfin une jurisprudence de la CJUE nous permet d’envisager une autre
hypothèse dans laquelle l’acheteur pourrait théoriquement
responsabiliser les candidats en subordonnant la régularisation éventuelle
à l’application d’une sanction pécuniaire proportionnée
(3).
Régularisation et principe d’égalité
L’élan donné à la régularisation des offres
par la nouvelle réglementation des marchés publics a permis d’apporter
plus de souplesse dans la passation et l’attribution des marchés
publics.
Toutefois, bien que cette souplesse a été accordée, elle
reste encadrée par les grands principes de la commande publique que sont
le principe de transparence, la liberté d’accès à
la commande publique, et surtout le principe d’égalité de
traitement.
Les juges de Nancy, dans une décision de décembre dernier, rappellent
que toute régularisation doit respecter ce principe d’égalité
de traitement.
Ainsi, bien que cette décision a été prise sous l’égide
de l’ancien code des marchés publics, elle s’inscrit dans
cette nouvelle dynamique portée par le décret n°2016-360 relatif
aux marchés publics, et garde donc des aspects instructifs. En l’espèce,
les juges sanctionnent le fait de ne pas avoir laissé un temps identique
aux candidats dont l’offre était régularisable.
In fine, cette décision permet alors d’affirmer que tout candidat
ayant une offre non conforme doit pouvoir régulariser sa situation, mais
cette régularisation doit être possible pour tous les candidats
concernés, et dans les mêmes conditions.
NB : Rappelons que sous l’égide de l’ancienne réglementation,
le pouvoir adjudicateur devait informer l’ensemble des candidats lorsqu’il
demandait une régularisation des offres irrégulières, même
ceux présentant un dossier conforme. Aujourd’hui ce n’est
plus nécessaire.
CAA Nancy, 6 décembre 2016, Société Anamnesia, n°
16NC00086
Offre non conforme : Un deux trois... Régularisez ! Ou pas ?
Le décret du 25 mars 2016 a assoupli les règles d’analyse
en matière d’appel d’offres en mettant en avant la possibilité
de régulariser les offres non conformes.
Dès lors, la non-conformité d’une offre n’équivaut
plus forcément au rejet immédiat de celle-ci.
Dans notre affaire, un candidat présente une offre sans joindre les
justifications exigées concernant le nombre de salariés mobilisés.
L’acheteur écarte l’offre non conforme en application du
règlement de consultation sans inviter le candidat évincé
à régulariser. Le candidat évincé saisit alors le
juge des référés qui annule la procédure de passation.
Le Conseil d’Etat, saisi au fond, rappelle qu’il ressort de l’article
59 du décret du 25 mars 2016 que l’invitation à régulariser
n’est pas une obligation pour l’acheteur mais une simple faculté.
Ainsi, le fait qu’un règlement de consultation prévoit
la non-conformité d’une offre imprécise, sans invitation
à régulariser, ne caractérise pas un manquement aux obligations
de publicité et de mise en concurrence.
La régularisation finalement ce n’est pas compliqué : c’est
tout, ou rien.
CE, 21 mars 2018, Département des Bouches-du-Rhône, n° 415929
Régulariser, oui ! Mais à quel prix ?
LA CJUE a été amenée, récemment, à s’interroger
sur la conventionalité de la loi italienne subordonnant la possibilité
pour les opérateurs de régulariser leur offre au paiement d’une
sanction pécuniaire.
Dans une décision particulièrement didactique, elle commence
par mettre en avant le fait qu’il appartient aux Etats membres de prendre
ce type de dispositions dans la mesure où ces derniers, dans la transposition
des directives, sont libres de prévoir une procédure de régularisation
et de la réglementer.
Cette possibilité va cependant de pair avec l’absolue nécessité
de respecter les principes fondamentaux de la commande publique :
• La cour rappelle à ce titre l’interdiction de traitement
arbitraire ou discriminatoire, on peut imaginer ici qu’il est impossible
de choisir à quel candidat appliquer la pénalité ou non.
Il convient d’observer une certaine uniformité.
• Encore que, la cour insiste sur la nécessité de respecter
le principe de proportionnalité en excluant l’application automatique
de la sanction indépendamment de la nature et de la gravité des
irrégularités. Il semble qu’une motivation individualisée
soit nécessaire lors de l’application d’une telle sanction
pécuniaire.
L’important est que la cour reconnait que le fait d’infliger une
sanction pécuniaire est un moyen approprié de responsabiliser
les soumissionnaires, et de compenser la charge additionnelle pour les acheteurs
que représente la régularisation.
En conclusion si le principe de soumettre la régularisation à
l’application d’une sanction pécuniaire est admis par la
juridiction européenne, c’est à la stricte condition que
le montant de cette sanction et ses modalités d’application soient
conformes au principe de proportionnalité.
Cette décision, rendue en matière de droit italien, n’est
pas forcément dénuée d’intérêt pour
nous : il est possible d’imaginer un RC subordonnant l’invitation
à régulariser une offre non conforme au paiement d’une sanction
pécuniaire.
CJUE, 28 février 2018, MA.T.I. SUD SpA, n° C-523/16
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