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Le prix, principal critère d’attribution des appels d’offre,
constitue souvent le nerf de la guerre en marché public. Selon le contexte
d’achat, celui-ci peut osciller du plus concurrentiel au plus indécent.
Aussi, l’environnement économique des entreprises soumissionnaires
induit une présentation des offres plus ou moins transparente, parfois
difficile à analyser par les acheteurs, sous peine de non-conformité.
Mise en lumière du sort réservé au traitement de ces offres
sous le prisme du gouvernement et du juge administratif.
DPGF : le Gouvernement se prononce sur la mise en pièces d'une offre
A l'occasion d'une candidature à un marché rémunéré
à prix global et forfaitaire, un des soumissionnaires a décidé
de fournir "dans un souci de transparence", la décomposition
du prix.
L'acheteur a de son côté décidé de rejeter l'offre,
la considérant comme non conforme, et le député Jean-Louis
Masson a interpellé le Gouvernement sur la légalité de cette
prise de position.
Le Ministère de l'intérieur commence par rappeler qu'aucune disposition
n'impose à un candidat de produire une DPGF si l'acheteur ne la demande
pas.
De son côté, le ministre rappelle que malgré l'opposabilité
du règlement de la consultation, il est toujours loisible à l'acheteur
de s'en affranchir, dans la mesure où une pièce n'est pas utile
à l'analyse des offres. Par extension, l'acheteur n'est donc pas tenu d'analyser
une pièce qui n'était pas demandée.
Pour autant, le Ministère concède que cette seule circonstance ne
saurait suffire à qualifier une offre comme étant non conforme.
Une prise de position qui est toutefois nuancée en fin de réponse.
Le Gouvernement rappelle que l'appréciation des faits relève du
juge du fond, lequel a déjà pu considérer qu'un bordereau
de décomposition des prix ne respectant pas les exigences du règlement
de la consultation peut suffire à déclarer une offre non conforme.
De notre humble avis, cet argumentaire est destiné pour le Gouvernement
à ne pas "préjuger" ce qui pourrait être porté
devant le juge.
QE n° 01806, réponse publiée le 18 janvier 2018 au JO du Sénat,
p. 214
BPU : l'absence de mention du rabais consenti rend l'offre irrégulière
Les faits sont les suivants : un acheteur lance un marché rémunéré
à prix unitaires, mais se laisse classiquement la possibilité de
commander des prestations sur catalogue.
Il demande toutefois aux soumissionnaires d'indiquer, dans leur acte d'engagement,
le pourcentage de rabais consenti sur ces prestations hors BPU.
Malencontreusement, il s'est trouvé que l'attributaire du marché
a omis cette mention au sein de l'acte d'engagement. Un des candidats évincés
a donc porté le litige devant le juge, en se prévalant de l'irrégularité
de l'offre retenue.
La Cour décide d'opter pour une lecture stricte du texte, en refusant de
considérer que l'absence de cette mention signifiait l'absence de rabais,
et annule donc le marché en raison de l'irrégularité de l'offre.
Tentons donc de transposer cette situation à l'aulne des dispositions du
décret de 2016 :
• Si le marché est notifié dans les mêmes conditions
qu'en l'espèce, il n'y a a priori pas de raisons que le juge infléchisse
sa position quant au caractère irrégulier de l'offre retenue.
• Si en revanche l'acheteur s'était aperçu de l'irrégularité,
il aurait pu faire usage de son pouvoir de régularisation, en lieu et
place du précédent mécanisme de demande de précisions
sur la teneur de l'offre.
Ce mécanisme de régularisation permet d'ailleurs d'aller plus
loin que la rectification d'erreurs purement matérielles, définies
comme "d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de
bonne foi dans le cas où le candidat verrait son offre retenue".
La DAJ indique par exemple la possibilité de compléter des lignes
de BPU absentes ou incomplètes.
Nous vous rappelons toutefois à la prudence dans l'utilisation de ce
mécanisme, qui peut assez rapidement se heurter, voire entrer en contradiction,
avec le principe d'intangibilité de l'offre.
Or, en la matière, la seule frontière existant entre ces deux
notions repose sur le caractère substantiel des modifications sur l'offre.
CAA de Versailles, 28 septembre 2017, Société Ondélia
« Ecart de prix » ne rime pas avec « offres anormalement basses
»
En matière d’offres anormalement basses, la jurisprudence est constante
en ce qu’elle indique que quelle que soit la procédure de passation
mise en œuvre, il appartient au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une
offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur
toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix
proposé.
L’ancien article 55 du code des marchés publics explicitait déjà
cela, aujourd’hui, l’article 60 du décret reprend cette exigence
de demande de précisions.
La procédure d’information doit donc être respectée
en cas de suspicion, si toutefois ce n’était pas le cas cela emporte
une atteinte au principe d’égalité entre les candidats.
Cela étant posé, notons qu’il n’est pas rare que les
acheteurs s’appuient sur leurs estimations sur la base d’un précédent
marché. Il s’agit donc de concilier cette estimation avec l’éventuelle
suspicion d’offres anormalement basses.
En l’espèce, les juges de la cour administrative d’appel de
Nantes indiquent que « le seul écart de prix […], entre l'offre
de la société X. et l'estimation du département ne saurait
suffire à caractériser le caractère anormalement bas des
deux offres présentées par la société attributaire
lors de la procédure de consultation alors, au surplus, que le pouvoir
adjudicateur s'est référé aux montants des marchés
antérieurement conclus dans un contexte local peu concurrentiel ».
Ainsi, même si des écarts de prix importants sont constatés
par rapport aux estimations faites sur la base d’un précèdent
marché, déjà élevé, cette circonstance ne permet
pas de déterminer que les prix d’une entreprise, bien qu’inférieurs,
aurait été manifestement sous-évalués.
CAA de Nantes, 1er juin 2017, SARL Cars Boscher, n°15NT00421